Par Mitterrand MASAMUNA observateur économique
Jusqu’à présent, je peine à croire que la nouvelle orientation de la politique monétaire soit réellement l’œuvre réfléchie de la Banque Centrale du Congo (BCC). Car si la stabilité monétaire est, à juste titre, l’un des mandats fondamentaux d’une banque centrale, elle ne peut être atteinte durablement en dehors des fondations économiques solides : production locale, transformation industrielle, diversification économique et inclusion sociale.
Je ne suis pas économiste. Mais comme des millions de Congolais, je vis chaque jour les conséquences des décisions prises en haut lieu. Et aujourd’hui, force est de constater que c’est la population qui paie le prix fort d’une politique monétaire déconnectée des réalités du terrain.
On ne peut prétendre stabiliser une monnaie dans un pays qui produit peu, transforme très peu et importe presque tout. On ne peut espérer une économie forte avec une base productive aussi fragile. Et pourtant, c’est dans ce contexte que la Banque Centrale a opté pour une politique monétaire restrictive, sans véritable accompagnement structurel.
Le résultat est sous nos yeux : un produit qui coûtait 10 USD, vendu à 2 800 CDF il y a quelques mois, coûte aujourd’hui le même montant en francs congolais, mais avec un taux de change qui a explosé au-delà de 23 000 CDF/USD. Les prix ne suivent plus aucune logique, sinon celle de la spéculation. Et pendant ce temps, les revenus stagnent, les salaires sont érodés, et l’accès aux biens de base devient de plus en plus difficile pour les ménages.
Plus de 20 millions de Congolais en insécurité alimentaire
La RDC figure déjà parmi les pays les plus pauvres au monde. Selon les dernières estimations, plus de 20 millions de nos compatriotes vivent en situation d’insécurité alimentaire aiguë. Dans ce contexte, affaiblir le pouvoir d’achat à travers une instabilité du franc congolais revient à aggraver une urgence humanitaire silencieuse.
Cette situation n’est pas le fruit d’un hasard. Elle résulte d’un manque criant d’anticipation. Car il fallait s’attendre à ce que des mesures de contraction de la masse monétaire, combinées à une économie largement dollarisée et informelle, provoquent des tensions sur le marché des changes. La Banque Centrale aurait dû voir venir cette spirale.
Injecter ponctuellement des millions de dollars pour contenir la spéculation ne peut pas remplacer une véritable stratégie économique. Ces interventions sont souvent temporaires et inefficaces à long terme. Ce dont le pays a besoin, c’est d’une vision claire, articulée autour de :
La production locale pour réduire la dépendance aux importations ;
La transformation industrielle, notamment dans les secteurs agricole et minier ;
Le développement des chaînes de valeur locales pour créer des emplois ;
Une gouvernance monétaire responsable et prévisible, qui inspire confiance.
Une monnaie nationale ne devrait pas être un outil de précarité. Elle doit être un symbole de souveraineté, de stabilité et de projection vers l’avenir. Si le franc congolais continue à s’effondrer, c’est non seulement notre économie qui chancelle, mais aussi notre capacité à décider librement de notre destin collectif.
Aimons la RDC plus que nos partis
Ce débat ne devrait pas être confisqué par des appartenances politiques. Ce n’est pas une question de majorité ou d’opposition, mais de dignité nationale. Aimons la RDC plus que nos partis, plus que nos postes, plus que nos ambitions individuelles.
Le peuple congolais mérite mieux qu’une monnaie instable et un pouvoir d’achat écrasé. Il mérite une économie qui travaille pour lui, et non contre lui. Il est temps de faire des choix courageux, responsables et durables.
La stabilité monétaire ne naît pas dans les bureaux climatisés, mais dans les champs, les usines, les écoles, les marchés et les cœurs des citoyens. À quand une politique monétaire qui commence par là ?






