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59 % des ménages touchés par les violences déclarent une chute de revenus en 2025

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Plus de 10 millions de Congolais sont actuellement en proie à une insécurité alimentaire aiguë, d’après les récentes données compilées par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Cette alerte, fondée sur le rapport de mars 2025 du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), met en lumière un effondrement silencieux mais massif des moyens de subsistance dans l’Est du pays.

Les provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri et Tanganyika concentrent l’essentiel de cette détresse. Là, les conflits armés ont bouleversé l’équilibre des communautés rurales, étranglant l’agriculture, freinant la distribution alimentaire et précipitant les ménages dans la pauvreté. À Goma comme à Bukavu, des groupes armés, dont le M23 et l’Alliance Fleuve Congo — souvent liés à une présence militaire rwandaise — tiennent désormais les rênes de territoires entiers, allant jusqu’à imposer leurs propres systèmes d’administration. La prise de contrôle de l’aéroport de Goma par le M23, en janvier, a porté un coup fatal à l’acheminement de l’aide humanitaire dans une zone déjà sous pression.

Dans les régions affectées, 59 % des ménages vivant à proximité des foyers de conflit déclarent avoir vu leurs revenus baisser, selon la FAO. Ce chiffre chute à 50 % pour les familles situées hors des zones de combat, montrant que l’exposition directe aux violences aggrave considérablement la vulnérabilité économique. Le rapport précise également que les familles dépendantes de la pêche semblent plus touchées que celles engagées dans l’agriculture végétale ou l’élevage, du fait de l’inaccessibilité croissante des zones de pêche, souvent sous contrôle de milices.

Les obstacles à la production ne se limitent pas aux seuls affrontements. Sur l’ensemble des ménages touchés, plus d’un sur deux (53 %) signale des difficultés à accéder à ses champs ou étangs. Parmi les autres problèmes rapportés : le vol ou l’occupation de terres (15 %), la rareté des intrants agricoles (10 %), et la destruction directe d’équipements ou de récoltes (9 %). Dans plusieurs localités, les agriculteurs abandonnent leurs parcelles ou s’en éloignent à mesure que les groupes armés étendent leur influence.

Les conséquences de cette dégradation ne sont pas seulement nutritionnelles. L’incapacité à produire, vendre ou acheter des denrées de base alimente une spirale de dépendance à l’aide extérieure, dans un contexte où l’acheminement est de plus en plus compromis. Plusieurs convois humanitaires ont été retardés ou annulés, faute de garanties de sécurité.

En mars, la FAO et ses partenaires estimaient que plus de 1 300 000 personnes avaient été nouvellement déplacées depuis janvier 2025, uniquement dans les provinces de l’Est. Ces déplacements répétés compliquent encore l’organisation de réponses durables à la crise alimentaire, chaque mouvement de population rendant plus incertaine la planification des semis ou la récolte.

Alors que les conflits persistent et que les efforts de stabilisation tardent à porter leurs fruits, le risque de voir cette insécurité alimentaire s’installer durablement grandit. Le rapport ne formule pas seulement un constat ; il appelle à une réponse urgente et mieux coordonnée. Car derrière chaque pourcentage, ce sont des millions de vies suspendues à la stabilité d’un champ, la sécurité d’un sentier, ou l’accès à un simple sac de semences.

M. MASAMUNA

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