À Kinshasa, les débats du forum sur l’agro-industrie ont pris une tournure inattendue lorsque Al Kitenge, directeur général du Centre hospitalier universitaire Renaissance, s’est exprimé non pas en tant que médecin, mais en fin observateur de l’économie agricole. Selon lui, la question de l’emballage ne relève pas seulement du design ou de la conservation, mais constitue une clé déterminante du développement agricole et commercial en République démocratique du Congo.
L’emballage n’est pas un détail : c’est un choix stratégique. Il représente jusqu’à 25 % du prix de vente d’un produit dans les échanges internationaux, et ce coût, souvent négligé dans les circuits agricoles locaux, pourrait bien être un indicateur de valeur. Pour Kitenge, c’est surtout une affaire de perception et de pouvoir. Il insiste : "l’emballage influence non seulement l’acte d’achat, mais aussi l’investissement. Il façonne l’image du produit, et donc la confiance du consommateur."
Mais ce pouvoir de choix reste inexploité. En RDC, le consommateur, bien que nombreux et potentiellement influent, n’exerce pas réellement son influence sur le marché. "Nous n'avons pas conscience de notre force démographique comme levier économique", déplore Kitenge. Plus de 100 millions d’habitants forment un marché intérieur gigantesque, pourtant la logique de consommation reste fragmentée et peu structurée.
L’absence de régulation par les consommateurs eux-mêmes aggrave la situation. Dans d’autres pays, les associations de défense des consommateurs testent, évaluent et influencent les normes de qualité. Ce contre-pouvoir fait défaut en RDC. "Chez nous, ces associations sont faibles, quasi-inexistantes sur les sujets agricoles", relève Kitenge, qui y voit une perte d’opportunité pour renforcer les circuits courts et développer des standards locaux.
Pourtant, l’emballage n’est qu’un maillon dans une chaîne défaillante. De la recherche sur les semences aux pratiques agricoles en passant par la transformation, chaque étape souffre d’un déficit de technicité et d’organisation. "On ne peut pas bien emballer ce qui ne vaut rien. Plus un produit a de la valeur, plus son emballage devient déterminant", affirme-t-il. Autrement dit, sans amélioration de la qualité intrinsèque des produits agricoles congolais, l’emballage ne peut pas compenser les failles en amont.
Mais le cœur du problème réside ailleurs : dans l’intelligence agricole et logistique. La RDC perd plus de 50 % de ses récoltes après la cueillette, selon les données partagées au forum. Cela signifie que les efforts de production ne suffisent plus ; il faut savoir conserver, transporter, transformer. "Tant qu’on ne pense pas de manière intégrée à la chaîne de valeur, y compris la logistique, les pertes resteront astronomiques."
En creux, le message est clair : le développement agricole ne viendra ni uniquement du financement ni d’un marché extérieur hypothétique, mais d’un changement culturel profond sur la manière de produire, valoriser et vendre localement. Et l’emballage, bien que souvent traité comme un détail, pourrait en être le déclencheur symbolique et pratique.
— M. KOSI.






