Les projecteurs du secteur privé congolais sont braqués sur Lubumbashi. Dans les salons du Pullman Grand Karavia, la Fédération des entreprises du Congo (FEC) a lancé jeudi la seconde édition de sa conférence dédiée aux échanges import-export. Au cœur des discussions : les goulets d’étranglement logistiques, la coordination des services douaniers et le rôle des outils numériques dans la fluidification des opérations commerciales.
Dans une province où les flux commerciaux sont majoritairement transfrontaliers et liés à l’exportation de minerais, les opérateurs économiques appellent à des mécanismes plus efficaces pour réduire les délais et les coûts. Pour Jules Odimba, président du comité professionnel des transitaires et commissionnaires en douane, cette rencontre ne relève pas du symbolique. Elle marque, selon lui, « la volonté réelle de redonner de la visibilité à la RDC dans les circuits commerciaux internationaux par des actions concrètes sur le terrain.«
L’une des principales préoccupations reste la coordination des services impliqués dans le traitement des marchandises. Des cas de blocages prolongés aux frontières, d’incohérences entre plateformes douanières et de lenteur dans les circuits de validation ont été relevés par les participants. L’accent a également été mis sur la gestion des chauffeurs étrangers présents sur le sol congolais, parfois confrontés à des pratiques arbitraires et à des barrières administratives redondantes.
En toile de fond, le fonctionnement des guichets uniques et des plateformes numériques censées alléger les procédures administratives a été passé au crible. Plusieurs entreprises dénoncent l’écart persistant entre les promesses de dématérialisation et la réalité du terrain, marquée par des interruptions de service, une interopérabilité limitée et une accessibilité restreinte en dehors des grandes villes.
Selon les chiffres communiqués par les experts douaniers présents, plus de 65 % des litiges d’importation enregistrés en 2023 en RDC étaient liés à des erreurs ou à des délais dans les systèmes de traitement électronique des dossiers. Ce chiffre, en hausse par rapport aux 52 % de 2022, témoigne des défis que pose encore l’intégration numérique dans la chaîne logistique nationale.
Par ailleurs, les intervenants ont insisté sur l’intérêt de s’inspirer des pratiques régionales réussies. Le modèle rwandais, avec son système douanier intégré et son recours généralisé à la blockchain pour le suivi des cargaisons, a été évoqué comme une référence à étudier. La FEC a d’ailleurs annoncé vouloir engager un partenariat technique avec des chambres de commerce d’Afrique australe pour favoriser les transferts de compétences.
À moyen terme, cette conférence entend faire émerger des propositions opérationnelles, avec la remise prévue d’un rapport de recommandations à la Commission nationale de facilitation du commerce (CNFC), créée en 2020 mais encore peu active. Une feuille de route pourrait voir le jour, avec des engagements chiffrés sur les délais de dédouanement, la formation continue des agents, et la réforme des procédures liées aux cargaisons spéciales (produits périssables, substances réglementées, minerais stratégiques).
Les autorités provinciales, présentes à l’ouverture des travaux, ont exprimé leur volonté d’appuyer ces efforts, notamment à travers la sécurisation des postes frontaliers et la standardisation des pratiques entre les douanes et les services d’immigration. Une volonté saluée par les opérateurs économiques, à condition qu’elle ne reste pas lettre morte.
Le commerce international, dans sa forme la plus fluide, ne peut s’appuyer que sur un réseau de confiance entre l’État, le secteur privé et les partenaires extérieurs. Lubumbashi pourrait bien, si elle reste constante dans sa démarche, devenir un point d’ancrage de cette transformation en RDC.
— M. MASAMUNA