Depuis trois semaines, le chantier de réhabilitation entre Monishop et Macampagne à Kinshasa ressemble à un champ de bataille abandonné. Un trou béant de plusieurs mètres coupe la route, contraignant voitures, motos et piétons à un slalom périlleux sur une seule bande de circulation. Les embouts quotidiens s’étirent désormais sur près d’un kilomètre aux heures de pointe, selon des relevés effectués le 26 mai par des observateurs locaux.

« Avant, je mettais 15 minutes pour relier Magasin à Victoire. Maintenant, c’est 1h30 minimum », souffle Shaber Kilola, taxi-bus, en essuyant la sueur de son front. Son récit reflète la colère sourde d’une population prise en étau. Patrick, habitant de l’avenue Vivi, raconte avoir repoussé trois rendez-vous médicaux par peur des retards : « Traverser la rue ? Mission impossible. Je fais maintenant 2 km de détour pour acheter du pain ».

L’impact économique frappe aussi les 87 commerces recensés le long du tronçon. « Depuis qu’ils ont creusé, mes ventes ont chuté de 60% », confie un épicier sous couvert d’anonymat, montrant des étals vides. Un restaurant voisin a purement fermé ses portes, selon plusieurs riverains.

Sur le chantier fantôme, un tracteur rouille à côté d’un tas de graviers éparpillés. Un agent de sécurité, refusant de donner son nom, évoque des « problèmes de paiement des entreprises » comme cause de la suspension ordonnée par l’Hôtel de Ville. Contactée par nos soins, la mairie n’a pas répondu dans les délais.

Cette paralysie s’inscrit dans un contexte plus large : sur les 15 chantiers routiers lancés à Kinshasa en 2023, 7 accusent déjà des retards supérieurs à un mois, d’après le dernier rapport de la Banque centrale du Congo. Les habitants de Kintambo, eux, scrutent chaque matin le ciel, redoutant les premières pluies qui transformeront le site en bourbier.

— M. KOSI