Kolwezi–Sakabinda : un projet routier à 159,2 millions USD pour relier la RDC aux corridors transafricains THA 3 et THA 4

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Kolwezi-Sakabinda

Sur les plateaux poussiéreux du Lualaba, une nouvelle artère de commerce prend forme. Longue de 53,6 kilomètres, la route Kolwezi–Sakabinda couplée à un port sec en cours d’aménagement ouvre une brèche concrète dans le réseau routier de la République démocratique du Congo. Démarré en mai 2025, ce chantier évalué à 159,2 millions de dollars ambitionne de transformer les relations économiques entre la RDC et ses voisins australs, notamment la Zambie.

Le 10 juin dernier, le ministre d’État en charge des Infrastructures, Alexis Gisaro, s’est rendu sur le site pour mesurer l’avancement des travaux. Il n’a pu parcourir qu’une courte section de huit kilomètres, déjà dégagée par l’entreprise Toha Investment. Mais au-delà des premières couches de latérite, c’est l’ampleur logistique du chantier qui a retenu l’attention. Des stocks massifs de matériaux, dont des tonnes de bitume, sont déjà entreposés sur place, signe d’une mobilisation matérielle inhabituelle dans la région.

Derrière cette route se cache une ambition géoéconomique bien plus vaste. Le tracé constitue une voie de contournement stratégique vers deux corridors transafricains majeurs : le THA 4, qui relie Le Caire à Durban, et le THA 3, connectant Tripoli à Cape Town en passant par Kinshasa. En se branchant à ces deux axes, la RDC pourrait diversifier ses débouchés commerciaux et réduire sa dépendance aux traditionnels points de transit frontalier de Sakania, Kasumbalesa et Mokambo, souvent saturés.

L’intégration régionale, souvent prônée lors des sommets de la SADC mais rarement concrétisée sur le terrain, trouve ici un ancrage tangible. Le lien direct entre la province minière du Lualaba et la Western Province zambienne pourrait fluidifier le transport des minerais vers les hubs logistiques d’Afrique australe, avec des impacts directs sur la compétitivité des exportations congolaises.

Le projet bénéficie d’un financement conjoint entre Toha Investment et Bulongo Logistique, deux entreprises privées qui misent sur la rentabilité à long terme d’une meilleure connectivité régionale. L’échéance est fixée à 30 mois, soit courant 2027, pour une mise en service opérationnelle.

Autre élément à souligner : cette initiative s’inscrit dans un écosystème de chantiers d’envergure qui redessinent progressivement les infrastructures du Lualaba. À quelques kilomètres de là, l’aéroport international de Kolwezi est en pleine modernisation, renforçant ainsi le potentiel multimodal de la province. La juxtaposition de ces projets pourrait à terme transformer Kolwezi en un nœud logistique régional, capable de capter une part accrue des flux commerciaux sud-africains et zambiens.

Encore faut-il que les délais soient tenus et que les infrastructures bénéficient d’une gestion rigoureuse. La RDC, souvent confrontée à des retards et à des malfaçons dans ses projets publics, joue ici une carte économique et diplomatique sensible. Une défaillance pourrait compromettre sa crédibilité auprès de ses partenaires régionaux et retarder l’intégration économique effective qu’elle cherche à incarner.

Mais sur le terrain, les signaux sont encourageants. La présence ministérielle, les stocks anticipés de matériaux, et l’engagement des entreprises partenaires laissent espérer une dynamique constructive, à condition que les prochaines étapes suivent le même rythme.

Peter MOYI

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