Le président congolais Félix Tshisekedi a foulé le sol de Luanda ce 23 juin 2025. Objectif : prendre part à un sommet d’envergure qui redéfinit les contours des échanges entre les États-Unis et l’Afrique. Sous l’égide du Corporate Council on Africa (CCA), plus de 1 500 délégués – décideurs politiques, chefs d’État et dirigeants d’entreprises – se réunissent pour baliser un partenariat d’avenir entre les deux continents.
Le ton est donné dès l’ouverture par João Lourenço. Le président angolais ne s’attarde pas sur les formules protocolaires. Il appelle à abandonner le vieux schéma de l’aide internationale au profit d’une coopération fondée sur les investissements privés, les transferts de compétences et le respect des souverainetés locales. L’Afrique, dit-il, « n’a plus seulement du potentiel », elle est prête. Et elle veut être traitée comme un partenaire économique fiable.
Le message est limpide : l’Afrique ne souhaite plus être une source d’extraction brute. Elle attend des alliances industrielles, des projets de transformation locale, des emplois qualifiés. Et elle met en avant ses ressources critiques – cobalt, cuivre, lithium – indispensables à la transition énergétique mondiale. Le continent veut tirer parti de son sous-sol pour électrifier ses territoires, industrialiser ses économies et freiner l’exode de sa jeunesse, aujourd’hui tentée par les routes incertaines de l’émigration.
Dans cette optique, João Lourenço évoque le corridor Lobito-Dar es Salaam, projet ferroviaire structurant entre l’océan Atlantique et l’océan Indien. À ses yeux, cette infrastructure peut redessiner les routes du commerce intra-africain tout en intégrant les chaînes de valeur mondiales. Les zones économiques spéciales, l’agriculture modernisée et l’accès à l’énergie font aussi partie de ce nouveau schéma économique africain en construction.
Mais pour transformer cette ambition en réalité, l’Afrique réclame une implication plus large des États-Unis. Pas uniquement dans les mines ou le pétrole. Elle cible aussi la sidérurgie, l’aluminium, la construction navale, l’automobile ou encore le tourisme. Autant de secteurs dans lesquels les Américains sont appelés à jouer un rôle moteur, en s’appuyant sur un climat des affaires plus favorable qu’il ne l’a jamais été.
Du côté américain, la réplique n’a pas tardé. Troy Fitrell, secrétaire adjoint par intérim aux Affaires africaines, a levé le voile sur une nouvelle doctrine en six axes. Fini les relations fondées sur l’assistance, place à une vision stratégique centrée sur le commerce et l’investissement. Ce virage s’inscrit dans la ligne directrice de l’administration Trump, désormais engagée dans une approche plus offensive vis-à-vis du continent.
Fitrell insiste sur une coopération entre égaux. Il défend une relation fondée sur la réciprocité, qui dépasse le cadre de l’aide classique. Selon lui, « la classe moyenne africaine est désormais l’un des pôles de croissance les plus durables du globe », et c’est dans cette dynamique que doivent s’inscrire les futures alliances économiques.
Cette nouvelle orientation américaine coïncide avec l’implication diplomatique accrue des États-Unis en Afrique centrale. Washington est intervenu ces dernières semaines pour faciliter un accord de paix entre la RDC et le Rwanda. Celui-ci devrait être formalisé le 27 juin à Washington, lors d’une cérémonie en présence des chefs de la diplomatie des deux pays et du président Trump. Une rencontre élargie au niveau présidentiel est également en cours de préparation.
Parallèlement, un accord minier stratégique entre Kinshasa et Washington est en cours de négociation. Selon les informations disponibles, cet accord viserait à structurer les investissements américains dans les minerais critiques congolais. Une initiative en phase avec la volonté affichée par l’administration Trump d’assurer la sécurité des chaînes d’approvisionnement mondiales tout en renforçant sa présence économique sur le continent.
Dans ce contexte, la RDC, riche de ses ressources naturelles mais confrontée à des défis de gouvernance et d’industrialisation, se trouve à la croisée des chemins. Sa participation active au sommet de Luanda témoigne d’une volonté d’ancrer durablement son développement dans une logique de coproduction, en misant sur des partenariats à forte valeur ajoutée.
Le sommet de Luanda ne se limite donc pas à un échange de discours. Il ouvre la voie à une nouvelle lecture des relations transatlantiques, où le réalisme économique l’emporte sur l’assistanat, et où les intérêts croisés se traduisent par des projets concrets, à l’échelle régionale et continentale.
— Peter MOYI