Le PIB de la RDC a progressé de 18,1 % en valeur nominale en 2024, atteignant 204 581,5 milliards de CDF, soit environ 73,2 milliards de dollars américains. Un chiffre qui, pris isolément, peut impressionner. Mais ramené à la réalité quotidienne, il s’efface devant un indicateur plus parlant : le PIB par habitant plafonne à 693,3 USD. En tenant compte des prix constants de 2005, il chute même à 348,8 USD, trahissant un pouvoir d’achat figé, incapable de suivre l’élan de la production nationale.
Cette discordance entre richesse globale et bien-être individuel rappelle que la croissance ne rime pas automatiquement avec développement. Surtout dans un pays où la pression démographique dépasse 3,3 % par an et où les poches de pauvreté structurent toujours l’économie informelle.
La vitalité du secteur minier entretient cette croissance, mais elle concentre les bénéfices. Le cuivre et le cobalt ont respectivement atteint 3,1 millions de tonnes (+9 %) et 198 777 tonnes (+70 %). Une performance qui souligne la montée en puissance des partenaires privés, au détriment de Gécamines, désormais reléguée au rang d’acteur résiduel. Elle ne représente plus que 0,15 % de la production nationale de cobalt. Quant à l’or et au pétrole, leur repli — 19 % et 6,9 millions de barils respectivement — témoigne d’une difficulté à diversifier les ressources extractives.
Le pays fonctionne donc avec un moteur unique : l’extraction des minerais. Tout choc sur les prix mondiaux ou toute reconfiguration de la demande internationale — notamment du côté chinois — affecterait directement ses équilibres internes. L’économie congolaise repose ainsi sur un socle instable, exposé à des turbulences extérieures sans filet.
La maîtrise relative de l’inflation en 2024, retombée à 9,3 % contre 23,8 % l’année précédente, constitue une éclaircie. Mais elle résulte davantage de la rigidité monétaire imposée par la Banque Centrale que d’un relèvement structurel de la production locale. Les prix des produits alimentaires, eux, continuent de grimper dans les marchés populaires, alimentant un sentiment d’inflation ressenti, bien supérieur aux données officielles. En avril 2025, la hausse cumulative est déjà de 2,9 %, ce qui pourrait pousser l’inflation annuelle à nouveau au-delà des 10 %.
Les dépenses publiques, elles, maintiennent le cap de l’administration : plus de 70 % allouées au fonctionnement, peu ou pas vers l’investissement productif. Malgré des émissions régulières de Bons du Trésor, le solde budgétaire reste négatif. Une politique qui entretient un cycle déficitaire, incapable de générer une relance via l’investissement ou la demande intérieure.
Le taux de change interbancaire, stabilisé à 2 640 CDF/USD, donne l’illusion d’une accalmie. Mais le franc congolais a perdu plus de 15 % de sa valeur sur un an. En parallèle, les réserves de change, bien que maintenues à 3,2 mois d’importations, peinent à rassurer. Le FMI recommande un seuil plus élevé pour les économies aussi exposées que celle de la RDC. Cette couverture minimale traduit une résilience monétaire incertaine, en cas de recul du marché minier ou de tensions politiques internes.
Les conclusions du rapport de la Banque Centrale pointent vers une croissance appuyée mais désarticulée. D’un côté, des chiffres macroéconomiques qui progressent. De l’autre, des fondations fragiles : concentration minière, déficit chronique, sous-investissement public, volatilité des prix alimentaires, dépendance monétaire. Le modèle actuel entretient une illusion de performance, sans retombée suffisante sur la structure sociale ni sur les capacités industrielles.
La RDC court donc un risque de stagnation déguisée, où les hausses du PIB camouflent une pauvreté persistante, une fiscalité inefficace et une économie déséquilibrée. La gouvernance budgétaire, le soutien à l’investissement local et la réforme de la chaîne de valeur minière restent les trois leviers indispensables si le pays veut transformer ses chiffres en prospérité partagée.
— M. KOSI