Entre 2008 et 2024, la RDC revoit ses alliances minières : après 16 ans de partenariat avec la Chine, place aux États-Unis ?

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USA-Chine

La République démocratique du Congo redéfinit sa stratégie d’accès aux marchés internationaux des minerais en engageant un dialogue renforcé avec les États-Unis. Cette démarche s’inscrit dans un contexte où le pays, détenteur de près de 70 % des réserves mondiales de cobalt, joue un rôle clé dans les nouvelles chaînes d’approvisionnement en métaux indispensables à la transition énergétique mondiale

Les discussions entre Kinshasa et Washington, relancées par le mémorandum d’entente signé en décembre 2022, s’orientent vers la création d’un corridor sécurisé pour les exportations congolaises de cobalt, lithium et cuivre. Ce corridor permettrait d’intégrer la RDC dans les réseaux occidentaux d’approvisionnement en matières premières critiques, aujourd’hui largement dominés par la Chine. En échange, les États-Unis s’engagent à soutenir des projets d’infrastructure et de gouvernance, tout en proposant une assistance technique dans les domaines de l’environnement, du transport et de la sécurité minière.

Selon les termes évoqués par les officiels américains, ce partenariat s’aligne sur les principes de l’Initiative pour les minéraux critiques, mise en place pour sécuriser les flux de métaux stratégiques et réduire la dépendance aux fournisseurs jugés non fiables. La RDC y est perçue comme un maillon indispensable à cette refonte des chaînes logistiques globales, notamment dans le secteur des batteries et des technologies vertes. Le pays exporte en effet plus de 120 000 tonnes de cobalt par an, dont l’essentiel est aujourd’hui raffiné en Chine.

Du côté congolais, les autorités cherchent à tirer un meilleur parti de ces ressources, en misant sur une diversification des partenaires et un encadrement plus strict des contrats. Cette orientation intervient dans un contexte où plusieurs accords passés, dont celui avec le consortium chinois autour du projet Sicomines, sont en cours de révision. Le gouvernement estime que les retombées économiques de ce contrat, initialement valorisé à plus de 6 milliards USD, ne correspondent pas aux volumes extraits et exportés vers la Chine depuis une décennie.

Cette volonté de rééquilibrage diplomatique s’appuie également sur une dimension sécuritaire. Le gouvernement congolais conditionne une partie de sa coopération avec les partenaires étrangers à un appui plus fort pour stabiliser les provinces de l’Est. Plusieurs sites miniers stratégiques y sont situés, mais restent inaccessibles ou sous contrôle d’acteurs armés. Washington propose de renforcer son assistance dans ce domaine via des programmes conjoints avec la MONUSCO, ainsi que par l’implication d’experts civils et militaires américains spécialisés dans la sécurisation des chaînes extractives.

Historiquement, les États-Unis ont maintenu une présence ponctuelle dans l’exploitation minière congolaise, notamment par le biais de la société Freeport-McMoRan, autrefois impliquée dans le projet Tenke Fungurume. Mais cette présence a reculé au fil des années, face à l’ascension des investissements chinois. Aujourd’hui, le contexte a changé : les nouvelles réglementations américaines sur les minerais issus de régions sous influence chinoise incitent à établir des filières alternatives, et la RDC y apparaît comme une option stratégique.

Les retombées attendues de ce rapprochement incluent des investissements directs dans la transformation locale des minerais, l’amélioration de la traçabilité, et l’ouverture à de nouveaux débouchés moins exposés aux fluctuations des marchés asiatiques. Toutefois, plusieurs incertitudes subsistent quant à la capacité des autorités à traduire ce partenariat en réformes concrètes, alors que la gouvernance du secteur minier reste souvent critiquée pour son manque de transparence.

La situation géopolitique globale, marquée par une intensification de la compétition entre Washington et Pékin pour le contrôle des ressources critiques, place la RDC au cœur d’une rivalité où elle pourrait renforcer son rôle si elle réussit à définir ses propres priorités de développement. Mais le pays doit encore démontrer qu’il peut gérer ces ressources comme un levier de croissance à long terme, sans retomber dans des schémas d’exportation brute aux marges limitées.

La transformation des métaux stratégiques en moteurs de développement industriel local, la sécurisation effective des zones minières, et la conclusion d’accords équitables seront des indicateurs déterminants dans l’évaluation de cette nouvelle phase de coopération. Dans cette perspective, la RDC dispose d’un potentiel évident, à condition que celui-ci soit canalisé dans une stratégie cohérente à la fois sur le plan économique, diplomatique et sécuritaire.

— M. MATUVOVANGA

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