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Exportations illicites : 15 000 tonnes de produits agricoles congolais quittent l’Ituri pour l’Ouganda sans profit local

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La chefferie de Kakwa, dans le territoire d’Aru, en Ituri, est au cœur d’un phénomène préoccupant. Chaque année, des milliers de tonnes de produits agricoles quittent discrètement ses terres fertiles pour prendre le chemin de l’Ouganda. Ce commerce informel, bien que prospère pour certains, soulève des inquiétudes sur le plan économique et alimentaire.

Les chiffres dévoilés par le service des agronomes de la région sont alarmants : plus de 15 000 tonnes de denrées, parmi lesquelles le maïs, les haricots, le riz et les arachides, traversent illégalement la frontière. Ces produits, souvent achetés directement dans les champs ou sur les marchés locaux en shillings ougandais, échappent totalement aux circuits officiels et privent ainsi le pays de précieuses recettes fiscales.

Dans cette zone frontalière, les agriculteurs, confrontés à des difficultés pour écouler leur production sur les marchés congolais, n’hésitent pas à accepter des prix inférieurs à la valeur réelle de leurs produits. Cette situation, exploitée par des commerçants ougandais, met en lumière un système qui ne profite ni aux producteurs locaux ni à l’économie nationale.

Les conséquences commencent déjà à se faire sentir. En ce début d’année, les populations locales notent une rareté de certains produits alimentaires pourtant récoltés en quantité. Les acteurs du développement redoutent que cette tendance, si elle n’est pas freinée, n’entraîne une flambée des prix et une aggravation de l’insécurité alimentaire dans la région.

Pour Alphonse Bourille, qui travaille auprès des communautés rurales, cette fuite des ressources menace directement les moyens de subsistance des habitants. « Ici, les aliments de base comme le manioc ou les haricots sont essentiels. Si rien n’est fait, nous risquons une crise alimentaire majeure », alerte-t-il.

Face à ce constat, certaines voix plaident pour une stratégie nationale visant à développer les infrastructures locales. Joséphine Tokota, responsable du service des agronomes de Kakwa, appelle à la création d’usines de transformation sur place. Cette initiative, selon elle, permettrait non seulement de réduire les exportations frauduleuses, mais aussi de dynamiser l’économie locale tout en renforçant la valeur du franc congolais. « Il est temps de mettre en place des mécanismes concrets pour que les richesses produites ici bénéficient directement aux Congolais », insiste-t-elle.

Cependant, sans mesures urgentes et un engagement ferme des autorités, ce commerce parallèle continuera de prospérer, laissant les populations locales en proie à des difficultés croissantes. La situation interpelle sur la nécessité d’une régulation stricte des échanges transfrontaliers, d’autant que l’avenir alimentaire de cette région repose en grande partie sur une gestion durable de ses ressources agricoles.

— M. KOSI

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