La République Démocratique du Congo (RDC) évolue dans un environnement économique particulier où la gestion de la politique monétaire se heurte à des contraintes structurelles importantes. Au cœur de cette gestion, la Banque Centrale du Congo (BCC) joue un rôle central dans la recherche d’un équilibre entre stabilité des prix et relance de l’économie. En octobre 2024, l’inflation a été ramenée à 10,5 %, un net recul par rapport aux 19 % enregistrés l’année précédente. Ce résultat illustre une volonté de freiner l’érosion du pouvoir d’achat tout en soutenant l’activité économique.
L’un des principaux obstacles à la réussite de cette politique reste la dollarisation de l’économie congolaise. Plus de 90 % des transactions financières, qu’il s’agisse de dépôts ou de crédits, sont effectuées en dollars américains. Cette dépendance affaiblit l’efficacité des outils monétaires, rendant difficile le contrôle de la masse monétaire et des taux d’intérêt. À cela s’ajoute une perte importante de revenus de seigneuriage, estimée à environ 600 millions de dollars par an, privant ainsi l’État de ressources pour financer son développement.
La Banque Centrale ne ménage pas ses efforts pour contourner ces limitations. En abaissant récemment son taux directeur de 9 % à 7,5 %, elle cherche à encourager les emprunts et à stimuler les investissements productifs. Parallèlement, des dispositifs tels que l’assouplissement des réserves obligatoires pour les dépôts en monnaie nationale permettent de libérer des ressources destinées à soutenir l’économie réelle. Cependant, ces mesures, bien que prometteuses, se heurtent à une réalité complexe : une faible inclusion financière, avec seulement 7 % de la population ayant accès aux services bancaires. Cette situation limite la portée des réformes, laissant une grande partie des Congolais en dehors du système financier.
Le paysage monétaire congolais met également en lumière les fragilités des réserves de change du pays, qui oscillent souvent entre deux et quatre semaines de couverture des importations. Ce niveau critique entrave la capacité de la BCC à intervenir efficacement en cas de crise bancaire, exposant ainsi le système financier à des risques importants. La dollarisation aggrave cette vulnérabilité en limitant la marge de manœuvre de la Banque Centrale, qui peine à jouer pleinement son rôle de prêteur en dernier ressort.
Pourtant, des initiatives visant à moderniser le système financier voient le jour. La création de guichets de refinancement à long terme, accessibles pour des durées allant jusqu’à 24 mois, illustre cette volonté de construire un environnement économique plus résilient. Ces outils, bien qu’encore insuffisants pour transformer en profondeur le fonctionnement du marché financier, marquent un premier pas vers une réforme plus ambitieuse.
Dans ce contexte, les politiques monétaires restrictives, souvent nécessaires pour contenir l’inflation, ont des effets secondaires non négligeables sur la croissance économique. En augmentant le coût du crédit, ces mesures freinent les investissements, alors même que le pays a besoin d’un financement massif pour répondre à ses défis structurels. À l’inverse, des politiques plus souples risquent d’aggraver les pressions inflationnistes, créant ainsi un dilemme que la BCC doit gérer avec précaution.
Le défi pour la République Démocratique du Congo réside dans sa capacité à réduire sa dépendance au dollar tout en renforçant la confiance dans sa monnaie nationale. Cela passe par une réforme globale du secteur financier, incluant des efforts accrus pour élargir l’accès aux services bancaires et promouvoir la digitalisation. Si ces transformations sont accompagnées de politiques fiscales cohérentes et d’une gestion prudente des ressources naturelles, elles pourraient poser les bases d’une économie plus stable et inclusive.
Dans un pays où les fluctuations monétaires ont un impact direct sur le quotidien des ménages, chaque décision de la Banque Centrale résonne bien au-delà des cercles financiers. En adoptant une approche pragmatique et en investissant dans des solutions durables, la RDC peut espérer bâtir une économie capable de répondre aux aspirations de sa population tout en résistant aux chocs externes.
— M. KOSI