Le parquet général de la Cour de cassation passe à l’étape suivante dans un dossier sensible qui éclabousse le sommet de l’appareil judiciaire congolais. Ce lundi, le procureur général Firmin Mvonde a officiellement saisi le bureau de l’Assemblée nationale afin d’obtenir l’autorisation d’engager des poursuites contre Constant Mutamba, actuel ministre de la Justice. L’affaire porte sur des soupçons de détournement liés à un projet d’infrastructure pénitentiaire à Kisangani.
La demande s’appuie sur une instruction déjà autorisée par la chambre basse il y a plusieurs semaines, concernant un dossier de 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison moderne dans la province de la Tshopo. Selon des sources proches du dossier, des anomalies graves ont été constatées lors des premiers audits : absence de justification des paiements, contrats non traçables, entreprises bénéficiaires introuvables. Autant d’éléments qui ont poussé le parquet à durcir son approche.
Constant Mutamba, nommé ministre de la Justice dans le gouvernement Suminwa à la suite des élections de décembre dernier, rejette les accusations. Il y voit une manœuvre politique ciblée. Dans une déclaration publiée sur ses réseaux, il évoque une cabale visant à « déstabiliser une réforme judiciaire en marche » et dénonce une procédure « bâclée et instrumentalisée« . Toutefois, les exigences de transparence dans l’utilisation des fonds publics placent cette affaire dans une autre dimension.
Le projet de prison de Kisangani devait, selon les documents officiels du ministère, offrir une capacité d’accueil de 1 500 détenus, avec des installations aux normes internationales. Un chantier stratégique dans une région où les conditions carcérales sont régulièrement dénoncées par les ONG. Mais sur le terrain, rien ne semble avancer. Des visites parlementaires récentes auraient confirmé l’inexistence des travaux, malgré le décaissement partiel des fonds. La question est désormais de savoir si les responsabilités s’arrêtent au niveau ministériel ou s’étendent à d’autres acteurs de l’exécutif.
Ce n’est pas la première fois que le parquet général tente de franchir la ligne rouge de l’immunité parlementaire pour ouvrir des poursuites contre un membre du gouvernement. Mais le cas Mutamba revêt une charge particulière : il s’agit du ministre en charge même de la Justice, censé incarner l’intégrité et la rigueur institutionnelle.
La balle est maintenant dans le camp de l’Assemblée nationale. Le bureau devra statuer sur la levée ou non de l’immunité de Constant Mutamba. Une décision attendue dans les prochains jours, alors que la pression s’intensifie du côté de la société civile et des bailleurs internationaux sur la nécessité d’une gouvernance rigoureuse.
— M. MASAMUNA.






